Au temps des jolies colonies de vacances
Saviez-vous que les colonies de vacances sont nées en Suisse dans un contexte sanitaire ? Nous sommes alors à la fin du 19ème siècle. Le pasteur Herman Walter Bion part avec des enfants de la classe ouvrière respirer l’air sain de la montagne pour lutter notamment contre la malnutrition et les problèmes respiratoires. Ce principe s’est rapidement répandu en France et en Belgique.
Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que la dimension éducative sera valorisée. D’après le sociologue Jean-Marie Bataille, l’âge d’or des colonies de vacances est toutefois de bien courte durée. Un modèle touristique se développe dès les années 70. L’accent se porte sur la proposition d’activités à thèmes comme une offre de services, ce qui fait augmenter les prix et maintient les enfants des classes populaires en ville. Pour l’auteur, cette tendance à la marchandisation s’accroit durant les années 2000 avec également l’instauration de règles et de normes de plus en plus contraignantes.
La crise sanitaire actuelle pourrait-elle redonner un second souffle aux colonies de vacances ? Ou au contraire leur faire perdre leurs dernières plumes ?
En France, depuis l’été passé, le gouvernement a mis en place des colonies dites apprenantes. Certains s’en inquiètent comme le pédagogue Jean-Michel Bocquet.
"Ça n’a aucun sens de vouloir rattraper des décrocheurs de l’école avec un modèle issu de l’école” s’exclame-t-il. D'autant que ce modèle n'est pas nouveau. A la fin du 19ème siècle, un monsieur du nom d’Edmond Cottinet organisait déjà des séjours dans le prolongement du programme scolaire. “Or, le modèle d'E. Cottinet a échoué. On va inventer un autre modèle éducatif qui est complémentaire de l’école mais qui ne reprend pas le modèle de l'école. C’est celui qui est porté par les colonies de vacances aujourd’hui”.
Cette envolée historique, bien que fort succincte, nous invite à partir une semaine en colonie avec l’artiste Fanny Dreyer. On peut dire que son nouvel album paru ce mois d’avril tombe à pic pour redécouvrir la particularité de ces séjours !
C’est en découvrant d’anciennes photos argentiques de son père, moniteur de colonie dans les années 70, que l’artiste eut l’envie d’assembler les souvenirs, les siens, ceux aussi de ses anciens camarades de colo : piocher des images, mettre bout à bout des fils d’histoires pour raconter la richesse de ces temps privilégiés passés loin de chez-soi.
“Pour la construction du livre, je voulais osciller entre les temps forts et ritualisés de la colonie (le voyage en car, les rassemblements, les jeux d’équipes) et tous ces petits moments creux où l’ennui pointe, où la complicité avec les autres se développe, autant de temps qui font partie intégrante de la vie en colonie” - explique l’artiste.
Ce récit à plusieurs voix nous fait ainsi découvrir cette alternance de temps partagés et plus intimes au travers du regard singulier de Louise, Marco, Nina, Jeanne et Ali. Il va sans dire que je m’entendrais particulièrement avec Ali qui adore le chocolat et organise des expéditions nocturnes pour dévaliser le garde-manger !
Sous les pinceaux de l’artiste, c’est aussi toute une poétique des éléments qui prend vie avec la nature omniprésente. La montagne n’est plus seulement un décor prestigieux pour nos activités de loisirs, mais un lieu qui nous imprègne et dont on recueille les impressions comme des trésors.
L’album de Fanny Dreyer est bien une véritable p’tite célébration ( - p’tite ? Que dis-je Grande ! 120 pages tout de même !) qui loin d’apporter un vent de nostalgie, pourrait aussi nous offrir un espace de récréation (re-création) du temps de la joyeuse “vacance”.
En vous souhaitant un bel été à tous :)
Si vous n’avez rien de prévu ce week-end, les planches originales de l’artiste peuvent être encore admirées au Picture festival à Bruxelles !
https://www.picturefestival.be
Les liens dont je tire les extraits d’interview :
Les colonies de vacances "un objet éducatif particulier" - un très bel aperçu par France Culture